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Attitudes pastorales à développer
avec ceux qui ont connu un échec

 

Le divorce a beau toucher environ 40 % des couples, il n’est pas banalisé pour autant. Comme le dit une avocate : « tant qu’un conjoint aura mal au ventre en apprenant que l’autre le trompe, l’adultère ne sera pas une réalité banale ».
Répudiations, divorces, abandon d’un époux par l’autre, autant de chocs et de blessures qui marquent les époux, leurs enfants, leurs familles, la société et la communauté chrétienne. À l’impression d’échec s’ajoute, chez les chrétiens, la conviction d’avoir commis une faute morale sanctionnée par une sorte d’exclusion de la vie ecclésiale, tout au moins de la communion eucharistique, et ceci, de manière définitive, impardonnable en cas de remariage.
Comme pasteurs nous sommes interpellés à ce sujet, et fréquemment accusés de représenter une discipline sévère, ignorant l’échec, la miséricorde et le pardon.

Appliquer d’abord quelques règles pastorales :
 

  - Écouter, recevoir, accueillir, laisser s’exprimer les personnes marquées par cet échec.
 
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Vivre un « temps de compassion ». « Jésus fut pris de pitié pour les foules, parce qu’elles étaient harassées et prostrées, comme des brebis qui n’ont pas de berger ». (Mat 10,36
 

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Inviter la personne qui souffre à analyser son histoire, ses propres réactions, sans en rester à l’examen des torts du conjoint.
 

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Ne pas porter un jugement prématuré et aider la personne à s’abstenir, au moins dans un premier temps, de tout jugement y compris sur son éventuelle responsabilité.

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Rappeler une certitude : Dieu ne manque jamais de miséricorde envers ceux qui se tournent vers lui.
 

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Proposer un temps d’approfondissement spirituel. Il se peut d’ailleurs que celui-ci ait déjà commencé : la situation douloureusement vécue le suscite souvent sous forme d’un plus grand désir de croire, d’aimer, de prier.


N’oublions jamais que l’Esprit de Dieu touche le cœur : « Pour ceux qui aiment Dieu, tout concourt au bien », dit St Paul, « même le péché », ajoutait St Augustin.
 
L’idéal sera de mettre en relations des foyers vivant harmonieusement leur vie de couple, avec des personnes répudiées, ou séparées ou divorcées et remariées. L’expérience prouve que de tels groupes soutiennent considérablement ceux et celles qui peinent dans la recherche d’une pleine fidélité à la perspective chrétienne du mariage.

Choisir résolument le cap de la miséricorde
 
Le Christ a toujours donné le dernier mot à la miséricorde. Il n’ignorait ni le commandement concernant l’adultère, ni les prescriptions régulant le droit de répudier. Mais, s’agissant de leur application aux personnes, il ne se contentait jamais de répéter les principes : il choisissait ce qui permettait aux personnes de progresser dans la fidélité à la loi de Dieu.
 
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À la femme prise en flagrant délit d’adultère, il va jusqu’à dire : « Personne ne t’a condamnée ? - Moi non plus, je ne te condamne pas ». Nous passons généralement trop vite sur cette phrase capitale, étonnante, lourde d’enseignement. Jésus n’a pas condamné celle qui avait commis un acte objectivement condamnable. Il n’a pas dit : je te pardonne, puisqu’elle ne sollicitait pas le pardon. À cette absence de condamnation il a ajouté : « Va ; désormais ne pèche plus ».(Jean 8,11) Nous ne méditerons jamais assez sur ce jugement porté par le Christ qui donne clairement la priorité au relèvement de la personne et à ses capacités de progresser en vivant mieux.
 

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Lorsque le prodigue revient, Jésus ne met pas sur les lèvres du père des paroles de réprobation sur le mal qu’il a fait, mais seulement des paroles constatant l’évolution intérieure du fils qui va lui permettre de se reconstruire : l’essentiel est bien là. « Il était mort, le voici revenu à la vie ». (Luc 15,24)
 

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Jésus a proclamé : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes leçons, parce que je suis doux et humble de cœur ».(Mat 11,28-29) Il a désapprouvé ceux qui « lient de lourdes charges et les mettent sur les épaules des hommes », « ceux qui ferment le royaume des cieux devant les hommes » (Mat 23, 4 et 13).
 

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Jésus a révélé les bases sur lesquelles seront jugées toutes les nations, autrement dit croyants et non croyants, (Mat 25, 34-41) et envoyé ses disciples à travers le monde pour «enseigner à garder tout ce qu’il a commandé » (Mat 28,20)
 

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Au soir du dernier repas, Jésus connaissait parfaitement l’état d’esprit de ses disciples, notamment Pierre et Judas. Trahison, reniement, abandon étaient déjà en germe. Et pourtant Jésus a choisi : « Prenez et mangez-en tous ». Il a choisi pour ce soir-là et montré la route à suivre envers « tous ».


Tout en refusant ce qui casse les couples unis par Dieu
 
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Le même Jésus a répondu sans aucune ambiguïté que la répudiation était contraire aux intentions de Dieu et que le vrai couple voulu par Dieu, marié en Dieu, uni par Dieu, pourrait-on dire, est celui qui résulte de la décision d’un homme et d’une femme de s’attacher l’un à l’autre, pour devenir une seule chair, une communion d’existence fondée sur un lien de confiance amoureuse. « De sorte qu’ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » (Mat 19.6, citant Genèse 2,24). Là seulement existe un vrai couple selon Dieu. Si cet engagement intérieur n’existe pas, même en cas de « passage à l’église », il n’y a pas mariage selon Dieu : fait également défaut l’intention de faire ce que fait l’Église. Tout est faussé à la racine.
 

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Jésus complète sa réponse en parlant symboliquement des eunuques pour inviter au non remariage lorsque fut cassé un couple véritablement uni par Dieu. « Tous ne comprennent pas cette parole, mais ceux à qui cela est donné…Que celui qui peut comprendre comprenne ! » (Mat 19, 11-12)


« Que celui qui peut comprendre comprenne ! »
 
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La perspective encouragée dans l’Église romaine consiste à solliciter un jugement sur la validité du mariage contracté et sur la bénédiction possible d’un second mariage religieux. Rares demeurent ceux qui s’engagent sur cette voie. Dommage, car l’expérience prouve que de nombreux mariages furent invalides, pour diverses causes. Le constater ferait mûrir les mentalités. Mais beaucoup reculent devant la longueur de la procédure ou préfèrent ne pas réactiver intérieurement un passé déjà pénible à supporter.
 

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N’hésitons jamais à le dire : si le divorce est une faute, pesant lourdement sur la conscience, cette faute peut être « reconnue, au sens d’avouée », et pardonnée, même à celui qui en a porté totalement la responsabilité. Trop de chrétiens pensent encore qu’ils ne peuvent plus communier puisqu’ils « sont divorcés ». À plus forte raison, l’époux abandonné, répudié, qui a dû accepter ensuite le divorce, ne doit pas se croire exclu de la communion eucharistique, du sacrement du pardon et de l’ensemble des missions chrétiennes dans l’Église. Il revient aux pasteurs d’éclairer plus largement sur ce point les consciences et l’opinion.
 

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Celui ou celle qui a rompu l’alliance contractée devant Dieu et qui, par la suite, s’est remarié et vit depuis un certain nombre d’années avec un nouveau conjoint, ne doit pas se considérer comme définitivement exclu de l’Église ou de la vie chrétienne. Plus que d’autres, il a besoin d’être soutenu pour vivre un discernement personnel. L’aider à se laisser juger, éclairer par le Seigneur : voici l’attitude pastorale prioritaire. Elle lui permettra de s’en remettre à Dieu, qui le connaît parfaitement, de regretter ce qu’il a fait de mal, en le sachant et en le voulant, de reconnaître honnêtement ses torts, d’en solliciter intérieurement le pardon pour recevoir la paix de sa conscience. Cette juste attitude rend possible un approfondissement spirituel de son couple actuel. Si les nouveaux époux croient que l’Esprit de Dieu les accompagne, ils découvriront ce qui plaît au Seigneur. Et si la communauté chrétienne prie à cette intention, chacun grandira, en Église, dans les justes relations qui conviennent entre pécheurs sans cesse pardonnés par le Seigneur.
 

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Le « catéchisme de l’Église catholique » précise, au n° 1650 : « si les divorcés sont remariés civilement, ils se trouvent dans une situation qui contrevient objectivement à la loi de Dieu. Dès lors, ils ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique, aussi longtemps que persiste cette situation ». Son but étant de souligner l’aspect objectif de la situation, il n’évoque pas les conditions indispensables pour que la faute soit subjectivement imputable. Il est indispensable de lire les numéros 1857 à 1861 pour parvenir à un juste discernement moral. Ce que l’on fait d’ailleurs tout naturellement à propos de cette autre situation permanente et objective de péché grave, celle contre l’unité, qui affecte les chrétiens ; qui en tirerait la conséquence « qu’ils ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique aussi longtemps que persiste cette situation » ?
 

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Si, demain, les diverses Confessions chrétiennes progressent significativement vers l’Unité que Dieu veut, de nouvelles perspectives seront énoncées qui feront se rejoindre, mieux qu’aujourd’hui, justice et vérité, fidélité et miséricorde, importance et promotion du mariage selon la révélation chrétienne pour le bien de notre temps tellement désemparé devant cette question de l’amour fidèle entre les personnes.
 

Jean Charles Thomas
Ancien évêque d’Ajaccio et de Versailles
(août 2005)

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